jeudi 19 janvier 2017

bored in the USA (act 2)

La frontière était encore ouverte...on est rentré .
Treize jours en famille dans l'ouest américain , celui des mormons et des indiens Navajos . On a récupéré la voiture de location , elle avait un porte-gobelet 5 litres , on s'est même demandé s'il fallait pas que quelqu'un aille dedans si on voulait tous être assis .

Première halte : Las Vegas "l'abcès", l'orgueil humain dans toute son horreur , une ville où tu peux aller au casino avec tes enfants . Tu peux même y fumer , avec eux encore . On a échappé de peu aux stripteases et j'ai tout juste pu empêcher que mon petit gars ne se retrouve à jouer avec des flyers de sex-shops ou de services de call-girls récupérés dans la rue . Que du beau monde venu s'encanailler , claquer des sommes faramineuses en quelques minutes dans les machines à sous ou gagner des centaines de dollars en quelques minutes en montrant ses seins...non une belle leçon de vie pour les enfants  Las Vegas , tu perds quinze ans d'éducation même quand tes enfants n'en ont que dix .
"Si si mon grand des fois ils l'ont gagné durement l'argent qu'ils perdent en quelques secondes...non ma grande c'est pas vraiment un métier qu'on apprend à l'école stripteaseuse" .
T'as même des machines à sous dans les toilettes  des fois que tu t'y sentes vraiment bien ou que tu retrouves une pièce par hasard dans ton slip .










Le lendemain les choses sérieuses commençaient , on est parti pour l'arrière pays , celui qui a majoritairement voté Trump il parait , l'arrière à l'américaine et ils voient les choses en grand ,  le très en arrière , loin derrière , en bas .





C'était parti pour le rêve américain , celui de l'Amérique d'il y a 60 ans ...ils savaient rêver à l'époque . Nous on était juste en retard d'un rêve .



L'Amérique des années 50 , les gentils cowboys , les méchants indiens, tout ça , celle où il fallait savoir dégaîner , aujourd'hui encore tu les sens sur le qui-vive . Nous c'est vrai que c'est surtout du dollar qu'on a dégainé . On les a bien croisés les Navajos , on les a même trouvés sympas , on savait pas .



On a croisé des Mexicains aussi , on a mangé mexicain surtout tant qu'il était encore temps mais comme on voulait jouer la carte de l'intégration  et que le père avait de vagues souvenirs de "Fort Alamo", on leur a pas parlé ! Là-bas on a même fait semblant d'être armés pour passer inaperçu , on bourrait les poches : dentifrice , banane etc...
Les américains ont désinvesti la politique on dit...moi en tout cas j'ai cru remarqué qu'ils avaient tout réinvesti dans le camping-car suréquipé et sécurisé , plus tout à fait le "sur la route" de Kerouac .




Heureusement il y a surtout eu le paysage ... grandiose, réconfortant. Je m'y suis réfugié dès que possible , avec cette envie de ne pas m'en remettre ou au moins de m'absenter , de me me taire un peu plus fort .













Et pourtant , on est jamais seul dans ce genre d'endroit , jamais à la hauteur du silence et toujours coincé entre deux malaises et cette impression d'avoir fait beaucoup de chemin pour repartir avec la même photo que tout le monde . Je  me suis souvent senti con comme ça aux Etats-Unis .



Là-bas tu comprends vite que sortir de ta bagnole peut être dangereux : t'as un drive-in pour les restos, pour retirer de l'argent à la banque , et pour les parcs nationaux aussi , c'est comme à Thoiry , un circuit voiture , pas besoin de sortir pour prendre les photos . T'es à pied , t'es suspect , les flics te regardent bizarrement , non faut justifier d'une bonne raison pour pas prendre sa caisse!



Dans le circuit balisé obligatoire , t'as dix points de vue répertoriés comme beaux , quelque part c'est pratique, ça nous mâche un peu le travail et ça nous épargne les débats . C'est beau , c'est écrit . Donc 10 spots , autrement dit dix photos prises rapidement pour pas faire attendre ceux de derrière . Trop de monde à l'un , tu passes au prochain comme aux caisses des supermarchés . Déplacement en meute dès qu'un bouquetin apparait malencontreusement non loin  , le monde à l'envers , l'homme à l'état bestial face à la bête impassible , glorieuse . J'ai rarement eu autant envie d'être seul , sorti de route , de me sentir tout petit dans la majesté des lieux , d'être bouquetin (et de me sauver).





On retiendra aussi qu'il y a eu Halloween à la fin du séjour , ce jour où on fait peur aux enfants avec des histoires de morts vivants , de fantômes etc... moi j'ai failli me déguiser en Mexicain pour fêter ça avec eux .


Ah le business de la peur ! Moi aussi pour être tranquille je devrais peut-être penser à faire construire un mur devant chez moi par mon pote français d'origine portugaise qui est dans le bâtiment , pis je lui demanderai de le payer de sa poche , y'a pas de raison , ils y arrivent bien eux!
L'électorat Trump , j'avais déjà ma petite idée mais je crois que j'étais encore en dessous de la vérité... en dessous par fainéantise sûrement .




Dire que je les ai croisés , je leur ai même souri probablement . Dans le doute il faut sourire , et puis la vie m' a appris à ne prendre les choses qu'au second degré , c'est pratique même si ça ne marche pas toujours : l'autre jour ma mère me dit "passe moi le pain!" , ça m'a fait marré , je  l'ai pas crue .
Enfin , après tout ça , j'en arrive à me dire que le plus beau voyage c'est celui qu'on ne fait pas...




mercredi 21 octobre 2015

Johannesburgh décembre 2013

                                                                     








J'adore Johannesburgh.

Je n'arrive pas à me lasser de ces caméras de surveillance devant les propriétés, qui trônent comme les lions de granit sur les piliers du portail de chez mes parents. Je m'imagine des artistes vidéastes dans une démarche conceptuelle: filmer leur pas de porte, la vie qui y défile, l'usure du trottoir, une parabole sur le temps qui passe en quelque sorte, et ça me rassure...l'art.
Et puis il y a cette combinaison unique vin rouge/viande rouge, un champ d'expression plutôt cadré, mais une monochromie qui évite bien des complications en tous les cas:
- Qu'est-ce qu'on mange? de la viande? Bon je vais ouvrir du rouge.
- Qu'est-ce qu'on boit? ah ben oui du rouge! Chouette je décongèle des steaks!
De l'épure
L'épure se retrouve d'ailleurs chez les Sud-africains chez qui le code couleur est sans équivoque: un rose bien rose, un rose étalon pour la femme, et un bleu d'école, sans nuance, presque réglementaire pour les hommes.
Le cahier des charges pour l'homme mentionne également une masse musculaire prononcée, voir agressivement exprimée à laquelle il n'est autorisé de déroger que lors d'une longue hospitalisation ou pour embrasser la carrière de chanteuse d'opéra (auquel cas le code couleur change, faut faire gaffe).
Pour la femme, le cheveu est long, le maquillage abondant et obligatoire ainsi que les bijoux et paillettes.
Tout attribut féminin qui puisse être outrancièrement mis en valeur à coups de rembourrage est le bienvenu.
Bref il faut qu'on puisse se reconnaître rapidement, de loin et même bourré: moi homme, toi femme.
S'il pouvaient se tatouer respectivement des testicules ou des seins sur le front, il n'est pas exclus qu'ils le fassent.

Toujours est-il qu'ils savent accueillir les Sud-africains, surtout les blancs qui nous ouvrent grand les portes de chez eux ou plutôt de chez les noirs dans les townships. Ces ghettos se visitent, les blancs ont déconné pendant l'apartheid en créant les townships pour tenir les noirs à distance mais maintenant pour se faire pardonner ils y vont dans les townships en 4x4 et avec des caméras , un safari quoi!
Tous artistes vidéastes je vous dis.
Dans un souci d'épure permanent, on est blanc ou noir en Afrique du sud, on vit à Disney ou chez Kirikou, on filme ou on est filmé.

Encore heureux, Mandela est arrivé, il a montré la voie...la nation arc-en-ciel comme ils disent: comme quoi, on peut casser du caillou pendant 27 ans et en ressortir avec ce recul sur les choses, sur la vie. Tellement de recul qu'on ne voit plus rien peut-être. Rien ne nous affecte plus.
- Quoi ? y'a plus de corn-flakes?
On relativise.
- Quoi? Johnny ressort un album?
Pas si grave...
- Hein? Les Enfoirés reprennent des chansons de Noel et entament une tournée partout en France?
Aargh! Je résiste...
- Avec Mimi Mathy et Grégoire?
Putain merde... quand même!

Bref, une leçon.
Aujourd'hui les noirs ont les mêmes droits que les blancs et surtout le droit de gagner de l'argent: le 4x4, l'écran plat géant, les 350 chaînes de télé, le saumon fumé recolorisé en rose, l'abonnement gymnase-club, Louis Vuitton, etc...
A quand le droit de ne pas leur ressembler?

Vraiment... j'adore Johannesburgh.